CHOU PALMIER « NOIR DE TOSCANE »
Légume oublié :
Le CHOU PALMIER « NOIR DE TOSCANE »
Dans la foulée d’une séquence télévisée réalisée par l’équipe de l’émission « Jardins et loisirs » ( RTB1) dans notre potager didactique du Singel, c’est un chou bien étrangement majestueux et fort appréciable en cuisine que je vous présente aujourd’hui : le chou palmier dit « Noir de Toscane », ou en italien, le « Cavalo laciniato nero di Toscana«
Pour revoir la VIDEO du reportage de Luc Noël, cliquez sur la photo ou le lien Media ci-dessous :
Jardins & Loisirs : Extrait de l’émission jardins et loisirs du 16 décembre 2012 sur Auvio (rtbf.be)
Avant de parler du « CHOU PALMIER » proprement dit – et pour éviter d’emblée une possible confusion par le vocabulaire – je précise que ce chou véritable n’a rien à voir avec le « chou palmiste », nom utilisé pour désigner les gros bourgeons comestibles formés par les feuilles et les fleurs de certains palmiers, notamment le Chémédorée (Chamaedorea elegans Martius), originaire du Mexique et du Guatemala. Le « chou palmiste » n’est évidemment pas un chou !
Ceci dit, revenons à notre chou palmier qui lui … n’est pas un palmier ! C’est simplement la forme du feuillage qui suggère l’aspect de petit palmier … ou d’une coiffe emplumée de gille de Binche. (photo supra)
Le chou palmier Noir de Toscane appartient à un genre acéphale, ce qui étymologiquement signifie « sans tête ». C’est typiquement ce que nous appelons aujourd’hui par convention de langage un « légume oublié ». Tous les choux des genres acéphales sont des légumes très peu connus dans nos régions, surtout par les citadins. En fait, leurs caractéristiques ne rencontrent tout simplement pas les critères commerciaux de la grande distribution, qui favorise quasi-exclusivement les choux cabus ou pommés, de très longue conservation et donc beaucoup plus rentables. Ils ne sont donc pas – ou très rarement – proposés à la vente. Pour en déguster, il vaut mieux les cultiver soi-même. La récolte du chou palmier n’implique pas la décapitation de la plante ; on en détache de temps à autre quelques feuilles pour préparer un bon repas le jour-même ou le lendemain, puis on le laisse poursuivre tranquillement sa vie végétative. Avec les autres principaux choux acéphales – comme le Chou perpétuel de Daubenton (vivace), le Chou plume (bisannuel), le Chou de Brême (bisannuel), le Chou de Russie (bisannuel), le Tronchuda du Portugal (bisannuel) ou le Crambé maritime (vivace), il est à mes yeux un bon exemple d’une culture à développer pour accéder à un système effectif d’alimentation durable.
La taxonomie a manifestement éprouvé quelques difficultés avec le chou palmier. Parmi de nombreuses autres propositions, le nom scientifique le plus précis me semble rester celui proposé par le botaniste franco-suisse Alphonse Pyrame de Candolle : Brassica oleracea var. acephala subvar. palmifolia DC.
Le chou palmier Noir de Toscane est aussi sympathique qu’atypique. Je l’avais découvert dans les jardins du château de Villandry en Val de Loire, sans imaginer un instant que cette magnifique plante aux longues feuilles cloquées et de couleur très foncée était également un véritable légume ancien très apprécié en gastronomie florentine. Mais un certain soir d’été, à la faveur d’une étape à Fiesole (près de Florence), nous avions pris place à la terrasse d’une petite trattoria. Et le chef – il s’appelait Annibale -, qui n’avait pas de carte à nous proposer, nous a suggéré son plat du jour : un « cotechino con lasciniato al forno». Comme je ne comprenais à peu près rien à ce que le patron voulait m’expliquer à grand renfort de gestes, il m’a pris par le bras pour aller me montrer son potager, à l’arrière de la maison. Pas de doute, le même chou qu’à Villandry ! Ainsi donc, ce drôle de chou, c’est aussi une véritable légume. Ravissement du gourmet, coup de foudre du jardinier potagiste. Pas question de quitter Fiesole sans emporter quelques graines de ce merveilleux « cavolo lasciniato nero di Toscana ». et de les ramener en Belgique.
Dès cette époque, j’ai cru logiquement pouvoir considérer ce légume comme une spécialité typiquement toscane. Sauf à Villandry, je n’en avais jamais vu ailleurs. Mais quelques années plus tard, à la faveur d’un séjour dans la région de Konya (Anatolie), j’ai observé avec surprise que tous les petits potagers qui jouxtaient les maisons contenaient chacun au moins quelques magnifiques pieds de « Noir de Toscane », cultivés comme une ressource alimentaire locale . Ainsi donc, ce chou palmier ne serait pas nécessairement une spécialité de la belle région d’Italie dont il porte le nom !?
Deux années plus tard, lors d’une rencontre Slow Food organisée au parc Tournay-Solvay de Watermael-Boitsfort, je discute « légumes oubliés » avec un membre de notre convivium Karikol. J’apprends que mon interlocuteur est d’origine turque. Il connaît parfaitement ce chou noir au feuillage lacinié ; et il affirme avec force que c’est un légume traditionnel des régions anatoliennes, que ses parents, grands-parents et aïeux le consomment depuis toujours. Cette anecdote pour exprimer le doute que j’éprouve sur l’origine géographique réelle de ce merveilleux chou palmier. Blaise Pascal ne disait-il pas : « Vérité en deça des Pyrénées, erreur au delà !» ? Autrement dit, tout est relatif ! Non, je ne sais ni de quelle époque ni de quelle région nous vient effectivement le chou palmier noir, même en écumant les bibliothèques et en interrogeant les spécialistes ! Mais cela ne m’empêche absolument pas de le cultiver et de le consommer avec beaucoup de plaisir.
Conseil de culture
Comme tous les choux, le chou palmier est très gourmand en matières nutritives. Il a besoin d’un sol riche en humus , profond, assez calcaire (idéalement, pH égal ou légèrement supérieur à 7). Son exposition doit être bien ensoleillée. En raison de la taille et de l’envergure de la plante, il vaut mieux l’installer à l’abri du vent sans gêner ses besoins en lumière. On peut le tuteurer ; en raison de son ampleur, c’est utile, même si cela lui enlève un peu de sa majestuosité naturelle.
Le chou palmier est résistant aux maladies, mais il est sujet aux attaques des altises, surtout lorsque la surface du sol est trop sèche. En plantant de l’aneth entre les plants de choux, on écarte les altises et aussi la piéride, ce papillon blanc donc les chenilles sont désastreusement voraces . De petits buissons d’aurone mâle plantés à proximité des choux sont également utiles à cette effet.
Il ne faut pas sous-estimer les dégâts causés aux feuilles par les ramiers et les tourterelles, particulièrement en période de sécheresse. Si ces colombidés ne trouvent pas d’eau stagnante à boire, ils se désaltéreront avec le feuillage de vos choux. (Prévoyez un récipient d’eau à proximité, ou mieux, recouvrez les plants d’un filet protecteur.)
Je recommande de faire le semis du chou palmier dès la mi-mars, en terrine, à l’abri ou sous châssis. Les jeunes plants pourront ainsi être mis en place juste à la fin des « Saints de glace » (mi-mai). Replantez à 70-80 cm entre chaque pied. Paillez bien autour des pieds. La première récolte de feuilles pourra être effectuée après une bonne centaine de jours.
C’est un chou considéré généralement comme bisannuel, mais il n’est pas rare qu’il vive trois ans. Les graines se récoltent la seconde année. Notre association partage ces graines avec ses membres qui souhaitent eux aussi démarrer la culture du magnifique chou palmier noir de Toscane.
Bien chlorophyllement vôtre,
José