INULE GRANDE AUNÉE

 

Plante aromatique & médicinale ancienne :

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L’INULE GRANDE AUNÉE

  « belle-Hélène », « ail de cheval », « quinquina indigène » … de la guerre de Troie à celle du vermouth !

Plusieurs d’entre vous m’ont envoyé des messages demandant l’identification exacte de la fleur qui apparaît sur une carte de voeux qu’Anne et moi vous adressions à la fin décembre. C’est à elles que j’adresse plus spécialement ce billet, tout en les remerciant de partager mes passions.

Non, non, il ne s’agit pas d’une variété d’héliante (topinambour), pas davantage d’un leucanthème (marguerite), d’un gerbera, d’un rudbeckia ou d’un coreopsis.

Cette belle FLEUR JAUNE sur laquelle butine le petit bourdon est celle d’une aunée officinale. Et cette plante appartient à la grand famille botanique des Astéracées.

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Mais l’aunée officinale (inula helenium Linné) – qui n’est pas rare dans nos régions (surtout dans les Ardennes et en Lorraine, particulièrement dans la région de Woëvre), où elle pousse spontanément sur les bords des fossés et des prés humides ou à la lisière des bois. Jadis, on lui connaissait non seulement un usage thérapeutique important, mais encore un usage culinaire qui s’est presque totalement perdu. C’est pourquoi, depuis plusieurs années, je me suis spécialement attaché à la culture de cette plante comestible et bienfaisante, elle aussi tombée dans les oubliettes de la grande consommation moderne. Redécouvrons-la ensemble.

La part de Théophraste  (Botanique)

L’aunée officinale est originaire d’Asie centrale. Son introduction en Europe est naturelle, ses graines se déplaçant fort loin au gré du vent comme celles du pissenlit. C’est une belle plante vivace et rustique dont les hampes florales s’élèvent à une hauteur de 1 à 2 mètres. Elle ne manque pas de valeur décorative et est fort robuste; les jardiniers peuvent utilement lui trouver un place au jardin d’agrément, à des endroits difficiles à mettre en valeur avec la plupart des variétés traditionnelles. (L’aunée officinale s’accommode de presque tous les sols, pourvu qu’ils soient suffisamment frais et profonds; mais sa préférence va néanmoins aux terres calcaires ou marneuses.)

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Les FLEURS – très mellifères – sont d’une belle couleur jaune, et se présentent chacune sous la forme d’un gros capitule d’environ 6 cm de diamètre. Elles sont radiées et composées de nombreux de fleurons hermaphrodites dans le disque et de demi-fleurons femelles tout autour.

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Les TIGES ont cannelées, ramifiées et duveteuses.

Les FEUILLES ont une forme ovale au pourtour denté. Elles sont vertes et lisses par dessus, blanc-grisâtre et duveteuses par dessous.

Enfin, la RACINE – qui est la principale partie consommée de la plante – se présente comme un gros rhizome (qui peut atteindre 30 cm de longueur et peser plusieurs kilos après quelques années), charnu et rameux.

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Outre ses noms français d’Aunée officinale, de Grande aunée ou d’Inule hélécine, le langage vernaculaire la désigne de nombreuses manIères – parfois amusantes et souvent révélatrices – parmi lesquelles j’ai relevé :

  • AIL DE CHEVAL (ce nom curieux et inapproprié viendrait de l’usage vétérinaire qui était fait de cette plante pour préparer des cataplasmes pour les chevaux. Cet usage est avéré jusqu’au début du XIXème siècle.)
  • AILLAUME  (je n’ai pas retrouvé l’origine de ce nom, apparemment utilisé au Canada)
  • ALANTE GRECQUE ou ALANTE DES BALKANS (ce nom provient du terme germanique Alant. L’adjectif fait allusion à l’abondance et à l’utilisation de cette plante dans les Balkans)
  • ASTRE DE CHIEN (origine inconnue pour moi, mais sans doute référence au soleil)
  • AULNÉE (orthographe ancienne pour Aunée)
  • HÉLÉNINE (d’Hélène, la beauté légendaire dont l’enlèvement provoqua la guerre de Troie, et dont les larmes abondantes auraient donné naissance à cette plante)
  • INULE CAMPANE   (D’un mot grec signifiant « purge« )
  • LIONNE  (allusion à l’aspect de la fleur ? Bizarre. A l’inverse des lions, les lionnes n’ont pas de crinières, … mais peut-être n’est-ce qu’un détail.)
  • PANACÉE DE CHIRON  (Chiron, le centaure bienfaisant de la mythologie grecque et précepteur d’Achille, connaissait bien les secrets des plantes qui soignent et pratiquait la médecine)
  • QUINQUINA INDIGÈNE  (par analogie inadéquate avec le quinquina d’Amérique – le célèbre quina-quina des Incas du Pérou – dont on consomme l’écorce et non pas la racine.)
  • SOLEIL VIVACE  (parce que la fleur ressemble à un astre ardent)

La part d’Hérodote  (Histoire)

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Dans la mythologie grecque, l’inule grande aunée serait apparue pour la première fois sur terre à l’endroit même où la belle princesse Hélène – épouse du roi Ménélas de Sparte – versa un torrent de larmes lors de son enlèvement par le prince troyen Pâris. Cette plante marque ainsi le début de la légendaire guerre de Troie.

La part d’Hippocrate  (Santé – Médecine)

La partie de la plante utilisée pour ses propriétés médicinales est la RACINE. Elle sert notamment à la préparation de la fameuse Tisane d’aunée.

Recette de la tisane d’aunée

Pour préparer cette tisane, faites tremper 3 cuillerées de racines séchées et pilées dans un litre d’eau pendant 12 heures. Ensuite, faites bouillir pendant une demi-heure. Laissez refroidir et filtrez le liquide.

Cette tisane constitue un excellent digestif. On peut aussi l’utiliser pour des bains de bouche, par exemple pour guérir les aphtes.

Les Anciens grecs et romains l’utilisaient déjà pour ses propriétés toniques et expectorantes. C’était un remède populaire réputé pour combattre les affections pulmonaires (asthme, bronchite, coqueluche, toux …). Certains l’utilisent encore aujourd’hui en inhalation.

En Allemagne, au Moyen Âge, la racine d’aunée était l’ingrédient de base d’une potion appelée « Vin de Saint-Paul » qui protégeait contre la peste, le choléra et la suette. L’abbesse Hildegarde de Bingen, très versée dans la connaissance des plantes qui soignent, considérait ce vin spécialement apte à combattre aussi les maladies pulmonaires. C’était un remède presque universel à son époque.

Cette même RACINE est également connues pour ses remarquables propriétés antiseptique, apéritive et astringente. Elle a longtemps eu la réputation de favoriser les règles et de lutter contre les états anémiques.

La RACINE D’AUNÉE est encore diurétique. Sa consommation produit des effets bénéfiques sur le système urinaire, lesquels préviennent ou soulagent les maux de reins et de vessie, ainsi que les crises de rhumatisme.

Certain médecins l’utilisaient aussi comme tonique cardiaque.

En cataplasme, elle était utilisée pour soigner les maladies de la peau, notamment l’acné, la gale, l’herpès et le psoriasis. Ces cataplasmes servaient également en médecine vétérinaire, principalement pour soigner les lésions et les blessures des chevaux. C’est de là que provient le terme « ail de cheval » donné parfois à l’aunée.

Les compresses d’infusion posées sur des paupières gonflées par le surmenage ou la fatigue ont longtemps été utilisées pour faire disparaître les cernes et l’infection.

La part de Lucullus

L’aunée n’a pas que des vertus médicinales. Elle est encore à la fois plante comestible et plante aromatique.

Attention ! Autant prévenir tout de suite, les RHIZOMES fraîchement récoltés de l’aunée ne dégagent pas une odeur très agréable. Mais cela ne doit pas vous décourager!  Une fois grattés et séchés, ils répandront même un délicieux parfum de violette. Le goût est fort et amer, rappelant celui de l’écorce de quinquina (ou du schweppes tonic).

La consommation doit rester modérée; on a constaté des réactions allergiques chez des personnes qui en avait mangé trop goulûment.

On peut faire cuire les RACINES dans l’eau bouillante, avant de les couper en tranche ou en morceaux pour agrémenter les salades. (Pour cet usage, les feuilles fraîches peuvent également être utilisées.)

Je dois déconseiller la consommation des FLEURS, non pas parce qu’elles sont toxiques mais bien parce qu’elles contiennent des fibres irritantes. Elles sont néanmoins utilisées en herboristerie, préparées à l’aide d’un sac de mousseline.

Comme plante aromatique, l’aunée aromatise des vins préparés et d’autres boissons alcoolisées. C’est par exemple un ingrédient pour la préparation du véritable vermouth, dans lequel elle produit l’effet « bitter » caractéristique.

D’une manière générale, l’aunée est disponible dans le commerce sous la forme séchée. Oh, pas dans les grands magasins bien sûr, mais dans les bonnes herboristeries de tradition qui subsistent encore, telles la Maison Izrael à Paris ou la Maison Desmecht à Bruxelles.

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La part du jardinier

Par contre, si vous êtes tentées par la consommation d’aunée fraîche, il vous faudra envisager de la cultiver dans votre jardin où allez la chercher dans un potager qui – comme ceux des Jardins de Pomone – se donne pour vocation de réintroduire la biodiversité végétale dans notre alimentation.

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Comme on peut le constater sur la photo ci-dessus, les graines de l‘inule grande aunée sont spécialement adaptées à une dispersion anémophile. (= par le vent).

Pour démarrer la culture de l’aunée, il vous faudra soit semer des graines, soit replanter une part de racines détachées verticalement de la souche principale d’un plant existant. La souche d’un plant d’aunée d’au moins deux ans peut produire une douzaine de plants nouveaux. En raison de leur taille respectueuse, il faut espacer les plants d’environ 50 cm.

Pour la consommation, les racines ne sont récoltées qu’après la deuxième année de croissance également.

Bien chlorophyllement vôtre,

José

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VERRINES DE SOUPE AUX ORTIES ET SON DUO CROQUANT

Ortie (wikimedia - free GNU)

(Ortie dioïque – photo de Michael Gasperl – licence libre GNU – Wikimedia)

 

 

L'ortie dioïque : un légume pour mettre le Diable à la table du bon Dieu

 

 

Pour les uns, l'ortie est une mauvaise herbe qu'ils redoutent de frôler à cause des cuisantes caresses de ses feuilles sur la peau. Pour les autres, plus avisés, c'est peut-être le meilleur légume vert au monde sur le plan nutritionnel. Riche en fer, en pro-vitamine A, en vitamine C, elle est surtout remarquable par sa richesse en protéines.

A propos de ces protéines, l'ethnobotaniste François Couplan se plaît à souligner que leur apport alimentaire est  égal à celui de la viande. Elles combinent en proportion optimale les huit acides animés essentiels que notre organisme ne peut synthétiser.

Les gourmets apprécient particulièrement les jeunes feuilles tendres qui se forment à la sommité des tiges. Les autres feuilles sont parfaitement consommables également, mais leur goût – souvent jugé trop fort – n'est pas apprécié en gastronomie.

 

 

 

Verrines de soupe aux orties et son duo croquant

 

Cette recette aux orties présentée en verrines vous intéresse ?

Verrines de soupe aux orties aux 2 croquants

Je vous la prépare en compagnie de Gérald WATELET dans l'émission télévisée "SANS CHICHIS" ce mercredi 19 mai à partir de 13 h 30 sur RTBF 2.


Anne Bortels et Gérald Watelet - Les jardins de Pomone et Sans chichis

Pour ceux qui n'auraient pas eu l'occasion de voir  l'émission  lors de sa première diffusion, voici le lien vers sa version vidéo sur le site de

 

Logo Sans chichis RTBF2

Anne et Gérald Watelet

 

A très bientôt,

Anne

L’ ALLIAIRE : cueillez maintenant l’ail-sans-ail pour vos salades printanières

P1060995 Alliaire - fleurs


Vous aimez les ingrédients qui sortent du commun ?

Il en est un qui – au mois d'avril – se trouve un peu partout dans la nature qui nous entoure. En néerlandais populaire, les gens l'appellent "look-zonder-look", c'est-à-dire "ail-sans-ail", ce qui est presque une définition exacte du goût de l'alliaire officinale. En France, on la désigne souvent sous le nom "herbe-à-l'ail".

Consommer de l'alliaire comme plante aromatique est un plaisir éphémère, que les connaisseurs ne veulent pas  manquer au printemps. Ciselées dans la salade, les jeunes feuilles rendent une  saveur d'ail, si légère, si fraîche et si subtile que celles qui en ont consommé n'ont rien à craindre pour leur haleine en allant rejoindre leur amoureux.

 

La part de Théophraste

L'alliaire officinale porte le nom scientifique latin de Alliaria petiolata (Bieb.) Cavara et Grande ou Sisymbrium alliaria (L.) Scop. C'est une plante herbacée bisannuelle de la famille des brassicacées et du genre sisymbrium. En cette saison, elle est vraiment commune dans les emplacements mi-ombragés, le long des talus et aux abords des haies. On la retrouve en abondance jusqu'à 800 mètres d'altitude.

P1060833 Alliaire

 

P1060928 Alliaire - Feuilles

Les feuilles sont ridées, dentées sur le pourtour. J'ai observé qu'elles changeaient de forme pendant la croissance de la plante. Lorsqu'elle refait son apparition au mois de mars, ces feuilles sont nettement arrondies, en forme de coeur. Au mois d'avril, lorsque la plante s'élève (de 20 à 70 cm) pour former sa hampe florale, les feuilles supérieures prennent un forme de plus en plus pointue qui les font ressembler un peu à celles des orties.


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Les fleurs sont blanches, groupées en un bouquet serré au sommet de la tige.


P1070032 Alliaire - fruits

Les fruits sont de petites siliques érigées – ou plus exactement des silicules. Elles contiennent un seule rangée de graines très petites de couleur noire lorsqu'elles sont mûres, et en forme de petits coeurs

 

P1070035 Alliaire - tiges   P1070033 Alliaire - tiges


 

Les tiges sont cylindriques, vertes et souples dans le haut, pourprées et rigides dans le bas.

 

 

La part d'Hippocrate

 

Autrefois, les feuilles de l'alliaire étaient consommées pour bénéficier des vertus purgative et expectorante de la plante, dont la richesse en vitamine C est appréciable.

Les graines – très piquantes – servaient à la préparation de sinapismes (cataplasmes) pour soigner des plaies infectées, des ulcères et des infections contagieuses de la peau, telles que l'impétigo.

L'alliaire tenait une des premières places dans la pharmacopée du Moyen-âge lorsqu'il fallait prévenir et soigner l'asthme.

 

 La part de Lucullus

Et en cuisine ?

L'alliaire est un ingrédient étonnant pour vous salades printanières. Mais sa période de consommation est assez brève et si vous souhaitez l'essayer, il faudra rester vigilante pour ne pas manquer le bref rendez-vous qu'elle fixe chaque année à cette époque aux cordons-bleus.

Elle s'utilise (feuilles et fleurs) uniquement comme aromatique, ciselée crue dans la salade. Sa fine saveur d'ail associée à une petite pointe d'amertune en font vraiment un ingrédient hors du commun et la banalité. Faites un essai : mélanger un peu d'alliaire hachée dans une salade avec du panais rapé à l'huile de noisette. Rien de plus simple, me direz-vous ? Et bien non … Mais goûter donc, qu'est-ce que la simplicité peut séduire le palais !

Cuite, l'alliaire n'a plus aucun attrait gastronomique. De même, il est superflu de la faire sécher, parce que – préparée de la sorte – son petit goût magique se serait totalement envolé.

 

Bien chlorophyllement vôtre,

José

PRIMEVERE OFFICINALE : le « COUCOU » printanier

Si on l’appelle joliment « coucou« , c’est parce que les petites fleurs jaunes de la primevère annoncent généralement le printemps bien avant le retour des hirondelles. Et c’est bien ce signe sympathique de la fin de l’hiver que nous attendons avec impatience.

Dans les jardineries, on trouve déjà depuis le mois de décembre de petites primevères horticoles aux fleurs multicolores. Ces plantes sont certes fort jolies, mais vous m’en excuserez, elles ne m’intéressent pas. Trop de tripotages, et pas  assez de naturel ! Dans ce billet mon propos se portera sur les espèces sauvages, bien de chez nous, et susceptibles de participer à notre alimentation. Encore une excentricité de ce jardinier atypique, penseront certains ?!  Et bien non, pas du tout, il y a des siècles que la primevère se consomme au printemps et fait du bien à notre santé. Encore un ingrédient de saison que le commerce ne nous offre pas !

 La part de Théophraste

Lorsque je parle de primevères sauvages de nos régions, je fais référence à quatre espèces seulement, pas aussi aisées à identifier qu’il n’y paraît, parce leur morphologie – par un phénomène que les botanistes appellent « hétérostylie« – favorise les pollinisations croisées.

    • Hétérostyliephénomène qui se produit sur des plantes présentant simultanément deux types de fleurs – parfois plus – les unes à styles courts, les autres à styles longs.
    • Style : rétrécissement plus ou moins long qui unit l’ovaire de la fleur à un seul ou plusieurs stigmates.
    • Stigmate : c’est l’extrémité du carpelle ou du pistil dont la surface collante retient le pollen.
    • Carpelle : (attention, terme de genre masculin!) partie de la plante constituée par un ovaire, un style et un stigmate.

Je pense être à peu près exhaustif en citant 4 espèces de primevères sauvages indigènes à fleurs jaunes. Ce sont :

  • La PRIMEVÈRE ACAULE  (Primula vulgaris Linné ou Primula grandiflora Lamk.), 5 à 10 cm de haut, dont les fleurs jaune pâle sont solitaires, portées chacune par un long pédoncule qui  les rattache à une tige si courte qu’on ne la voit presque pas (d’où son qualificatif d' »acaule« , qui signifie « sans cou« ). Bien que les fleurs de cette espèce n’aient pratiquement pas de parfum, elles sont très prisées depuis des siècles  par les Anglais – à la fois comme symbole printanier et pour leur comestibilité. On les utilise – ainsi que les jeunes feuilles – pour décorer et agrémenter des plats printaniers traditionnels.

Primevère acaule 

  • La PRIMEVÈRE ÉLEVÉE (Primula eliator Schreb.), hampe florale de 10 à 30 cm de haut, aux feuilles plus rugueuses, et dont les fleurs sont de couleur jaune-soufre, plus foncées à la gorge. Cette espèce ne dégage pas de parfum immédiatement perceptible.

Gorge = ce terme désigne la partie tubulaire supérieure de la corolle d’une fleur dont les pétales sont soudés entre eux

Primevère élevée

  • La PRIMEVÈRE « OREILLE D’OURS« , appelée aussi Auricule (Primula auricula), hampe florale de 5 à 20 cm, toujours à fleurs jaunes d’un aspect mat farineux, mais avec une gorge blanche, et des feuilles beaucoup plus épaisses et lisses. Les fleurs sont agréablement odorantes.

Oreille d’ours ou Auricule

  • Enfin, il y a la PRIMEVÈRE OFFICINALE ou primevère vraie (Primula officinalis Linné ou Primula veris Huds.), celle qui mérite le plus justement son nom de « coucou » et notre attention de gourmets. Les feuilles de cette espèce sont également regroupées en rosettes; leur forme est ovale, oblongue et obtuse. La hampe florale fait de 10 à 30 centimètre de hauteur. Ses fleurs sont caractérisées chacune par cinq petite taches oranges à la gorge, et libèrent un parfum exquis.

Primevère officinale

La part d’Hippocrate

De l’Antiquité à la chute de l’empire romain d’Occident, les documents historiques ne nous ont pas laissé de preuves irréfutables d’une utilisation médicinale de la primevère. Ce n’est pas vraiment surprenant dans la mesure où la primevère officinale, commune dans nos campagnes, n’était pas présente dans l’aire des grandes civilisations de l’époque. Ce n’est que bien plus tard – à l’époque des Croisades – que la brave abbesse Hildegarde de Bingen (1098-1179) nous donne une première indication précise sur l’usage de la primevère. Cette information figure dans son « Jardin de santé« . Dans ce manuscrit célèbre, cette nonne allemande qualifie notre « coucou » de « clé des portes du paradis » et y voit un remède efficace dans les cas de mélancolie et de paralysie. Par la suite, les guérisseurs ont également utilisé la primevère officinale pour ses propriétés expectorantes, antibiotiques, diurétiques et laxatives.

Au XVIIIème siècle, le botaniste suédois Carl von Linné (1707-1778) vante ses propriétés sédatives, particulièrement dans la lutte contre l’insomnie. Et il parlait en connaissance de cause !!!

Les propriétés médicinales de la primevère n’appartiennent pas toutes à la légende ou à la subjectivité. Aussi bien les racines, que les feuilles, les tiges et les fleurs contiennent beaucoup de saponine, aussi des glycosides spécifiques –  comme  la primuline et de la primulavérine. On peut en retirer – mais en faible quantité – une huile essentielle dont les propriétés sont très proches de celle du camphre, tonique pour le coeur et les voies respiratoires.

La primine, substance allergène que l’on trouve dans toutes les primevères, n’entraîne pas de réaction allergique sur la peau lorsqu’il s’agit de l’espèce officinale.

D’une manière générale, on doit considérer que la primevère n’a pas encore – loin s’en faut – livré tous les secrets de ses propriétés à la science. Mais ce qui est certain et démontré, ce sont ses excellentes qualités médicinales et … aromatiques. Il n’y a pas de contre-indication connue à sa consommation, pour autant qu’elle soit ingérée en quantité raisonnable. (En quantité exagérée, certaines personnes pourraient être incommodées par sa forte teneur en saponine.)

La part de Lucullus

En cuisine, ce sont les jeunes feuilles ( les feuilles matures deviennent dures et fibreuses) et les fleurs (détachées de leur calice gonflé) qui constituent les ingrédients les plus appréciables pour les gourmets. Les racines sont également consommables, mais réservées plutôt à l’usage médicinal, sous forme de décoction.

Crues et après avoir été ciselées, les jeunes feuilles mélangées à une salade de betterave rouge ou de carottes râpées par exemple – sont très agréables à consommer et apportent une note printanière au plat. En cuisine chaude, les feuilles se préparent comme les épinards. On peut également les utiliser dans les potages.

Pour les adeptes de la cuisine des fleurs, celles de la primevère officinale ne manquent pas de charme – beauté et saveur de miel – pour parer vos plats de crudités. Je recommande néanmoins de détacher les belles corolles soudées des fleurs de leur gros calice enflé.

Côté desserts, il est courant de parsemer la célèbre « crème anglaise » avec des fleurs de primevère fraîches. On peut aussi cristalliser les fleurs, de la même manière que les violettes odorantes, pour en faire une garniture très appréciée pour les coupes de glaces, les crèmes et certaines pâtisseries.

Côté boissons ménagères, je retiens – entre bien d’autres possibilités – le thé de fleurs, la limonade aux fleurs, et le vin aromatisé aux fleurs de primevères, dit aussi « vin des cardiaques« .

  • Thé de fleurs de primevère officinale

Il se prépare avec 50 gr de fleurs sèches pour un litre  d’eau bouillante. Mais il se consomme froid, et même glacé. Un petit verre avant le coucher, et vous passerez une nuit paisible dans les bras de Morphée.

 

  • Limonade de fleurs de primevère officinale

Remplissez une bouteille d’un litre avec des fleurs fraîches non serrées et non écrasées. Versez de l’eau jusqu’à leur immersion complète. Ajoutez un jus de citron et du sucre cristallisé (50 à 80 gr). Bouchez bien votre bouteille et mélangez en la retournant et en secouant doucement. Placez-là ensuite sur un appui de fenêtre, en plein soleil. Après 24 heures, ouvrez et filtrez le mélange. C’est prêt ! A consommer bien frais et à conserver au frigo. Tonique et délicieux.

  • Le « vin des cardiaques »

Ce vin parfumé que l’on utilisait jadis pour combattre l’arythmie se prépare dans une bouteille d’un litre remplie avec 50 gr de fleurs fraîches, que vous compléterez avec du vin blanc et un peu de miel liquide. Fermez la bouteille et laissez fermenter au soleil pendant deux semaines. Ouvrez et filtrez. Ce vin peut se conserver en cave. Servez bien frais.

Allons, à bientôt ! Maîtrisez encore un peu votre impatience d’essayer la primevère jusqu’au mois de mars, puis faites moi partager vos impressions et vos commentaires.

Très chlorophyllement vôtre,

José

L’aspérule odorante : le secret du « Maitrank » d’Arlon

Il y a … très, très longtemps, un 2 avril, je débutais mon service militaire par affectation à l’École d’Infanterie blindée d’Arlon, en province de Luxembourg. Cette école aujourd’hui disparue était située sur le plateau de Semmerich, qui domine la coquette petite ville gallo-romaine et ses magnifiques campagnes et bois environnants.

Dès cette époque, je me suis fidèlement attaché aux gens, aux coutumes et à l’histoire du pays gaumais. J’aime la culture et la mentalité particulière des habitants du « Triangle des Trois frontières« , et je me sens heureux en leur compagnie.  J’ai noué là-bas des amitiés que le temps ne peut pas effacer. La vieille veuve Collinet par exemple, qui a quitté discrètement ce monde depuis bien longtemps!  Que ne m’a pas tout appris cette vieille femme au visage rude, à l’oeil vigilant et brillant d’intelligence sous une paupière presque close, qui avait pris en sympathie ce petit aspirant sous-officier de réserve sans expérience, si éloigné de sa famille, de ses amours et de ces amis. Elle connaissait les plantes avec une rare capacité d’identification des espèces botaniques. Pas les noms latins bien sûr, mais bien les noms populaires évocateurs de la langue française ou de son savoureux dialecte luxembourgeois.

Dans la « bibliothèque » de la veuve Collinet, deux livres: une bible et un bottin de téléphone; rien d’autre, si ce n’est la boîte de biscuit en fer blanc dans laquelle elle conservait précieusement les faire-parts des grands événements familiaux et du voisinage. Mais engrangée dans sa mémoire surprenante d’ordre et de clarté, elle avait un connaissance fiable des plantes « simples » et des champignons qui décontenançait le jeune citadin fraîchement sorti de l’université que j’étais, et qui croyait encore à cette époque que tout ce qui n’avait pas été enseigné magistralement dans un amphi avait un relent d’hérésie et ne pouvait pas être pris scientifiquement au sérieux. D’accord, je me suis amendé depuis … 

Presque chaque jour – sauf le dimanche – la veuve Collinet arpentait inlassablement les sentiers, les talus, les haies, les sous-bois, les prairies pour récolter des plantes « bienfaisantes » qu’elle plaçait dans un panier d’osier tressé pour les ramener sur la table de sa cuisine, où elle les triait une seconde fois. 

Il y avait là des herbes pour tout; pour le potage, pour les confitures, pour les pâtisseries, pour la pharmacopée, pour éloigner les moustiques, pour calmer les douleurs de la petite chatte en chaleur, pour écarter les taupes, les campagnols … Elle préparait aussi de délicieux ratafias, ces étonnantes liqueurs de ménage obtenues après macération avec de herbes aromatiques, que presque plus personne aujourd’hui ne prend le temps de préparer et d’apprécier.  

Un beau jour de la fin du mois d’avril, la veuve Collinet, que j’admirais et respectais sincèrement, mais dont je me demandais avec un pointe d’inquiétude si elle n’était pas un peu versée dans la sorcellerie, me fit découvrir une petite plante aux curieuses feuilles verticillées et lancéolées étagées sur une tige quadrangulaire fine mais assez robuste. Elle l’ appelait joliment la « reine des bois« , le »petit muguet »  ou encore le « gaillet parfumé« . De fait, l’inflorescence était formée de petits corymbes du blanc le plus pur. Et ces fleurs minuscules, très odorantes (elles contiennent de la coumarine !), dégageaient un parfum suave.

 

J’ai su, bien plus tard, qu’il s’agissait de l’aspérule odorante (Asperula odorata Linné ou Galium odoratum Linné.) 

L’aspérule odorante est un des ingrédients indispensables à la préparation de l’une des spécialités les plus emblématiques de la région arlonaise : le maitrank (= « Boisson de mai« , en luxembourgeois). Et chaque année, au mois de mai, cette boisson saisonnière parfumée, douce et agréable à base de vin blanc, est le prétexte à des réjouissances populaires animées par une sympathique et très folklorique « Confrérie du Maitrank« . (Cette année, la Fête du maitrank aura lieu les 24  et 25 mai prochain, et Anne et moi irons certainement faire un petit pélerinage à la généreuse « Fontaine du maitrank » installée pour l’occasion sur la grand’place. Avis aux amateurs!)

Pas de maitrank sans aspérule. Le secret de son goût unique, cette boisson printanière le doit avant tout aux fleurs (idéalement, non encore écloses au moment de la cueillette) de cette plante au goût « de foin, de miel et de vanille » qui entrent dans sa préparation.

L’ aspérule odorante appartient à la famille botanique des rubiacées, caractérisée par des fleurs aux pétales soudés. La plante ne dépasse pas une vingtaine de centimètres de hauteur et est souvent totalement épanouie lorsqu’elle n’a que 10 cm de haut. Ce sont d’ailleurs ces jeunes tiges, plus courtes, qu’il faut cueillir. En effet, si le feuillage persiste effectivement pendant deux ans, il devient déplaisamment coriace.

Je vous ai dit plus haut que l’ aspérule odorante contient naturellement de la coumarine (comme la fève de Tonka, par exemple). Cela implique que cette plante soit, à trop forte dose, faiblement toxique. L’excès de consommation peut se traduire notamment par de légers maux de tête. Ce n’est pourtant pas une raison pour croire que, si l’on a mal de tête après avoir bu du maitrank, l’aspérule en serait plus responsable que le vin blanc assez rude et  acide (cépage Elbling, très ancien dans les vignobles des bords de la Moselle luxembourgeoise) qu’on utilise pour sa préparation.

Le maitrank est un produit artisanal. Jadis, chaque famille bien ancrée du terroir confectionnait rituellement  « son » Maitrank, avec les fleurs qu’elle allait joyeusement récolter. Aujourd’hui, il y a quelques petits producteurs (trois, je pense !?) économiquement assez forts pour assurer une plus large distribution du produit. C’est notamment le cas du maitrank « Feller« , que l’on trouve dans les grandes surfaces. Mais ce n’est à mon avis pas le meilleur.

Cette commercialisation décentralisée à quand même un effet positif. Par son originalité, le maitrank se prête bien à une utilisation gastronomique agréablement « tendance ». Il existe déjà une « cuisine au maitrank » qui ne demande qu’à être développée et dont les meilleures recettes restent peut-être encore à mettre au point. Qu’attendez-vous, amis gourmets, pour explorer cette voie?

Il existe différentes recettes du maitrank traditionnel. Mais les variations ne sont que des nuances et des interprétations où le « plus » est souvent l’ennemi du « mieux ». Je respecte et évoque avant tout le produit traditionnel.

Recette de base du maitrank traditionnel

1 litre de vin blanc Elbling (cépage de la Moselle luxembourgeoise à préférer pour l’authenticité; mais le Rivaner ou le Riesling de Grevenmacher peuvent également convenir)

12 brins d’aspérule odorante avec les fleurs non écloses.

50 gr de sucre

5 cl de cognac ou d’armagnac

1 orange en tranches

Laissez macérer le tout pendant deux jours, puis filtrer la macération et embouteillez.

Le vrai maitrank ne se déguste qu’en mai et en juin. Sa conservation, même dans une bonne cave, ne le bonifie pas. Marketing oblige; on trouve aujourd’hui de nouvelles variétés du maitrank, lequel est proposé aussi en version rosée ou pétillante. Je n’aime pas ces nouveaux produits, où l’opportunisme commercial tient plus de place que le bon goût authentique. Comparez vous aussi et dites-moi ce que vous en pensez. J’adore recevoir vos avis.

Le maitrank doit être servi bien frais (entre 4 et 7° C, c’est-à-dire à la température de votre frigo.). Il est délicieux servi en apéritif, avec une fine tranche d’orange fraîche. On peut aussi le consommer en accompagnement de desserts sucrés.

A votre santé,

José

PS : Au cimetière d’Arlon, la modeste tombe de la veuve Collinet a disparu depuis longtemps. Mais chaque année, lorsque l’aspérule repointe du nez dans un coin à mi-ombre de notre jardin de la banlieue bruxelloise, je pense à cette femme estimable que j’ai connu et j’honore sa mémoire avec beaucoup d’émotion.