Le chef Damien a dit : « On se fait tous de l’OSEILLE à la mi-mai »!
Il y a peu de temps, le chef Damien (750 grammes) a fait un petit passage-éclair à Liège et à Bruxelles pour y promotionner l'exceptionnel caviar d'escargot de son ami producteur, Dominique. Mais il n'était pas question pour lui de rentrer à Soissons sans quelques rencontres avec ses amis "écaviens" de Belgique.
Le chef Damien (750 grammes), ici à côté d'un fameux "écavien" de la première heure, Mark, du blog Passion-cuisine.
Le séjour du chef s'est achevé parmi ses amis (Apolina, Fabienne, Marielle, Micky) autour d'une table joyeuse dans un petit restaurant de la banlieue bruxelloise. Sans surprise, les conversations ont beaucoup porté sur la bonne cuisine, les bons produits et les meilleurs blogs culinaires du moment.
Toujours prêt à lancer des défis aux blogueurs, Damien a suggéré un compétition de recettes à publier à une même date et sur le même thème : l'OSEILLE. Outre les recettes que vous trouverez donc aujourd'hui sur de nombreux blogs français et belges, ma contribution sera de vous présenter ici ce légume un rien oublié, parfois difficile à trouver, mais vraiment étonnant.
Dans la cuisine de nos grands-parents, et par région, l'oseille porte différents noms populaires dont certains d'entre vous auront peut-être gardé le souvenir : aigrette, herbe à la vinaigrette, oseille des prés, patience oseille, patience acide, petite oseille, surelle, surette, …
C'est une belle plante potagère et condimentaire dont on consomme le feuillage, le plus souvent vert clair, parfois rougeâtre. Au potager, son aspect fait penser à l'épinard, quoiqu'elle soit beaucoup plus haute que ce dernier et que sa saveur acidulée ne permet vraiment pas la confusion.
L'oseille sauvage est très répandue nous seulement dans les campagnes d'Europe, mais encore en Asie, en Amérique du Nord et, de façon plus surprenante, au Chili. Mais je vous propose de limiter ce billet à l'oseille des jardins, qui appartient à la même espèce et est la seule à avoir conquis ses titres de noblesse en gastronomie.
La part de Théophraste
Sur le plan botanique, l'oseille des jardins (nom scientifique : Rumex acetosa var. hortensis Linné ou Rumex rugosus Campd.) est une plante vivace qui appartient à la famille des polygonacées. Elle résiste au gel en hiver.
C'est une espèce dite dioïque, parce qu'elle possède des pieds mâles et des pieds femelles.
Les feuilles sont épaisses, pétiolées et nombreuses. Elles ont un forme lancéolée. (Le nom latin rumex signifie d'ailleurs "fer de lance"). Les limbes atteignent souvent 20 de cm de longueur et sont larges de 10 cm;
Les fleurs – nombreuses, petites et peu visibles – apparaissent dès le mois de mai et forment de longs panicules portés par une forte hampe pouvant atteindre 1 mètre de hauteur. Elles sont dites anémophiles, parce que leur pollinisation est provoquée par le vent et non pas par des insectes.
Les fruits sont du type "akène" et en forme de trigones.
La racine est un rhizome de couleur brun foncé.
Il existe une centaine de cultivars, fort appréciés au potager et très appréciables en cuisine, parmi lesquels je citerai : :
l'Oseille de Bellevile à feuilles larges (très productive)
l'Oseille Blonde de Lyon
l'Oseille de Chambourcy
l'Oseille épinard (moins acide et à feuilles longues)
l'Oseille vierge
La part d'Hérodote
L'oseille était connue et consommée comme plante officinale par les anciens Egyptiens, puis par les Grecs et les Romains. Mais ce n'est qu'à partir du XIVème siècle qu'on trouve des traces de sa consommation comme légume en Occident.
A partir du XVIème siècle, plusieurs auteurs se mettent à la considérer comme l'un des ingrédients les plus nourrissants entrants dans la préparation des salades.
Au XVIIème siècle, l'érudit anglais John Evelyn (1620-1706) écrit dans son "Journal" qu'elle "donne tant de vitalité aux salades qu'il ne faudrait s'en passer".
Son compatriote, l'herboriste Nicholas Culpeper (1616-1654) avait constaté peu de temps auparavant que l'oseille "calme toutes les inflammations et tous les échauffements du sang au cours des accés de fièvre dus à la peste" et "remédie aux états d'évanouissement". Sur base de quoi, les feuilles étaient préparées en cataplasme à poser sur les bubons des pestiférés.
La part d'Hippocrate
L'oseille est un légume-feuille dépuratif, digestif, laxatif et tonique.
Elle est réputée pour sa richesse en carotène (provitamine A), dont le pouvoir antioxydant joue un rôle important dans la prévention des troubles cardiovasculaires et de nombreux cancers.
Très riche en eau, pauvre en glucides, en lipides et en protéines, l'oseille est probablement la championne toutes-catégories des légumes pour sa haute teneur en vitamine C (300 mg/100 gr). C'est le plus puissant remède naturel contre le scorbut. Sa teneur en vitamine A est aussi très importante (200 mg/100 gr).
Les feuilles contiennent également plusieurs tanins et de l'acide oxalique. Je l'ai déjà souvent signalé pour d'autres plantes, comestibles, cette dernière substance devient toxique lorsqu'elle est consommée en trop grande quantité, parce qu'elle empêche l'assimilation du fer par l'organisme. Les personnes souffrant de goutte et de rhumatismes , ou sujettes à la formation de calculs rénaux devraient s'abstenir de consommer ce légume.
Il existerait également une contre-indication pour les femmes enceintes et les personnes atteintes d'anémie.
En usage thérapeutique, l'oseille peut se consommer sous forme d'infusion pour combattre la fièvre ou la mauvaise digestion.
En gargarisme, elle peut servir à soigner les maux de gorge.
En cataplasme, elle permet le mûrissement rapide des furoncles et la désinfections des plaies.
La part de Lucullus
Et en cuisine ? Dans la cuisine traditionnelle, l'oseille constitue souvent le légume d'accompagnement du poisson. Cet usage vient de la croyance très répandue que ses feuilles ont le pouvoir de ramollir les arêtes.
Le goût astringent du citron a remplacé au fil des dernière décennies celui de l'oseille, mais tous les gourmets avisés vous le dirons : l'acidité du jus de citron ne remplace pas vraiment celle – unique – de l'oseille.
Outre l'accompagnement du poisson, il existe, un multitude d'autres utilisations intéressantes et d'innombrables recettes, qu'aujourd'hui-même, les nombreux blogs qui ont relevé le défi lancé par le chef Damien prendront plaisir à vous faire découvrir.
L'oseille se conserve bien au congélateur, soit en feuilles entières préalablement lavées et blanchies, soit réduite en purée.
Seules les jeunes feuilles tendres ont une réelle valeur gastronomique. Elles se consomment crues dans les salades, ou entrent dans la composition de plusieurs sauces et vinaigrettes pleine d'originalité.
On peut aussi les consommer cuites à la manière des épinards, ou encore dans un potage.
L'oseille s'apprécie encore en accompagnement de viandes et d'oeufs. Une simple "omelette à l'épinard et à l'oseille", relevée à la ciboulette fraîche et au cumin est un petit régal que je vous invite à essayer.
… et la part du jardinier
Pourvu que l'on dispose d'une terre profonde, fraîche et surtout non calcaire, la culture de l'oseille est d'une étonnante facilité en climat tempéré.
La plante accepte une exposition ensoleillée, mais tous les potagistes expérimentés savent que ses feuilles poussant à mi-ombre auront une saveur moins acide, presque douce, qui est la plus appréciée.
L'oseille se multiplie par semis en pépinière de mars à juin ou par division des touffes anciennes au printemps. Sauf si l'on veut conserver des porte-graines, il est conseillé de couper les tiges florales dès leur apparition.
Lorsque les plants ont été produits par semis, la première récolte peut être envisagée 100 jours plus tard.
Bien chlorophyllement vôtre,
José
Ceci est une autre oseille, cultivée dans les jardins de Pomone. Il s'agit de la "Sanguine", dont les feuilles aux nervures vineuses se consomment crues et décorent admirablement vos plats et salades.