BETTE MARITIME
Un légume ancien du littoral :
La BETTE MARITIME
La bette maritime au mois de mai, avant la formation des hampes florales
(Copyright : Les Jardins de Pomone)
Il y a quelques années déjà, toujours à la recherche de légumes improbables ou méconnus à cultiver dans notre potager, Anne et moi avions découvert cet étrange légume à deux pas de la dune de Pilat, dans les Landes. En la découvrant, je savais que la bette maritime était considérée comme l’ancêtre botanique probable de la plupart des bettes (ou blettes, ou poirées) et je me suis empressé d’en récolter quelques graines avec l’intention de la cultiver dans mon terroir brabançon.
Comme nous n’avions jamais eu l’occasion d’en manger, mon intention était évidemment de réaliser très rapidement un semis, chez nous en Belgique, dans un emplacement du jardin ou le sol aurait été préparé de la même manière que pour la culture de la salsole soude, de la mertensie (plante au goût d’huître) et du crambé maritime (chou marin). En tout état de cause, nous aurions dû attendre plusieurs mois avant de pouvoir l’utiliser comme ingrédient dans une recette culinaire.
La dune du Pyla (ou de Pilat), au sud de la baie d’Arcachon est un site naturel impressionnant. Modulée au gré des vents, elle culmine à plus de 100 mètres face à l’océan, à la sortie de la baie d’Arcachon. Son ascension n’est pas nécessairement une sinécure.
L’aspect visuel de la plante nous avait paru assez rude et nous imaginions que la structure devait probablement être fibreuse et coriace. Eh bien non, pas du tout ! Et il ne nous a pas fallu longtemps pour le découvrir. Le soir-même, à la terrasse d’un petit restaurant sur les quais du vieux port de La Rochelle, nous avons pu déguster un plat de poisson préparé avec de la bette maritime. Selon le chef, il s’agissait d’une spécialité de Charente-Maritime préparée avec des « joues de lotte enroulées dans de grandes feuilles de bette accompagnées d’un jus de moules de bouchot préparées au vin blanc et à l’échalote« .
Sans hésiter, notre choix s’est porté sur ce plat de la carte, du reste le seul annoncé avec de la bette du littoral comme ingrédient. Et le légume nous a plu, vraiment … et la recette encore davantage.
Depuis ce souvenir gastronomique, Anne a préparé différents poissons en « habit vert« , et à chaque fois, nous avons fort apprécié avec nos invités..
Le vieux port de La Rochelle : sur les quais et dans les rues avoisinantes, une multitude de petits restaurants proposent une cuisine qui conjugue savoir-faire et tradition, principalement avec des plats mettant la marée à l’honneur.
(Photo de Rémi Jouan, sous licence libre Wikimedia Commons)
La bette maritime appartient à la famille botanique des chénopodiacées. Son nom scientifique le plus usité est Beta vulgaris subsp. maritima (L.) Arcang. mais elle est décrite aussi sous le nom de Beta perennis (L.) Freyn.
C’est une PLANTE VIVACE dont la taille est assez variable, généralement entre 30 et 80 cm de haut lorsqu’elle a développé ses hampes florales. Un partie des tiges seulement ont un port érigé. Les autres tiges sont souples et courbées vers le sol, sur lequel elles rampent volontiers, pouvant couvrir alors une surface appréciable. Je suppose que ce port singulier permet à la plante de retenir le sable dans lequel elle est enracinée lorsque celui-ci est sec et se laisserait rapidement emporter par le vent.
L’aire de répartition de la bette maritime est importante. Elle inclut bien sûr les régions littorales de l’Europe tempérée, de l’Afrique du Nord, de l’Asie occidentale et méridionale. La bette maritime est aussi très présente dans l »archipel de Macaronésie« , un terme géographique méconnu qui regroupe génériquement plusieurs autres archipels de l’Océan atlantique (Açores, Canaries, Cap-vert, Madère).
En dehors de cette aire, la bette est très rarement adventice. Si elle peut être introduite fortuitement et sporadiquement dans des zones inattendues, elle n’y persistera que peu de temps. C’est cette caractéristique qui désole un peu le jardinier brabançon gourmand que je suis, parce qu’elle limite mes possibilités de cultiver cette bette extraordinaire avec une réelle pérennité.
Les FLEURS nombreuses de la bette maritime sont très petites et discrètes. Regroupées en épis allongés peu serrés, elles apparaissent de juin à septembre, pour se transformer en graines de type glomérules. Personne ne semble jamais avoir pensé que lorsqu’elles sont encore vertes et immatures, elles pourraient servir de condiment. Cela vaudrait certainement l’expérience !
Les FEUILLES de la bette maritime ont une saveur à la fois légèrement acidulée et sucrée, qui nous rappelle que cette sauvageonne est l’ancêtre botanique le plus probable de la betterave sucrière. Au printemps, lorsqu’elles sont jeunes, elles donnent un ingrédient original pleine de douceur pour vos salades. Tendres et fondantes, elles sont très appréciées pour leur goût, même par la plupart des enfants. Lorsqu’elles deviennent plus âgées et moins tendres, il est préférable de les cuire, par exemple en soupe, en potée, « façon épinard« , à l’embeurrée, en « purée verte » (génialement bon !) ou de les blanchir avant de les utiliser comme « habit vert » avec le poisson ou en composition de lasagnes au four (cuisson : 35 min. à 180°C.) en alternant les couches de béchamel, de feuilles de bette et de fromage rapé. Ces mêmes feuilles permettent encore de préparer d’excellentes tartes salées ou sucrées.
La RACINE principale de la bette maritime est assez charnue pour être consommée. Après 3-4 ans, elle peut même atteindre plusieurs kilos, mais c’est alors un ingrédient assez rude et il vaut mieux la récolter à l’automne de la seconde année. Sa chair est blanche et légèrement sucrée, pour autant qu’elle soit consommée bien fraîche. Soigneusement préparée, c’est alors un ingrédient sublime. (Mais autant vous prévenir, après quelques jours, ce n’est plus bon du tout, pour ne pas dire franchement dégueu … )
Sur le plan des VERTUS NUTRITIVES, la bette maritine est spécialement appréciable pour sa richesse en calcium, en fer, en magnésium, en sodium et en potassium. C’est une bonne source de vitamines A, B1, B2, C et PP. Ses propriétés rafraîchissantes, émollientes et laxatives sont très appréciées; aussi son action anti-inflammatoire au niveau du système urinaire. Elle contient de l’iode, utile pour le bon fonctionnement de la thyroïde et de la bétaïne. Cette bétaïne (ou mieux, triméthylglycine) est un composé quaternaire d’ammonium qui aurait la propriété de régénérer les cellules du foie et favoriserait le bon métabolisme des matières grasses de notre alimentation. Cette substance, qui n’est pas a proprement parler un alcaloïde, est fort en vogue dans certains produits phytothérapeutiques promettant le maintien ou le retour d’un « ventre plat« . Généralement et simplement bon pour la ligne donc ?!
Votre bien chlorophyllement dévoué,
José
La bette maritime au mois de juillet dans notre potager « t’Kapelleke » : elle résiste plutôt bien à la sécheresse. Qui croirait que ce fouillis végétal de feuilles, d’hampes florales, de tiges rampantes et enchevêtrées, de glomérules en épis lâches … est un légume qui sort de l’ordinaire et mérite une place d’honneur en gastronomie?
(Copyright : Les Jardins de Pomone)