Cotignac d'Orléans - Confiseur B. Gouchault (lepaysdalentour.fr)

 

inter

Il me revient de tous côtés que vous avez été nombreux cette année à récolter ou acheter des coings … et je me réjouis bien entendu du retour remarqué de ce fruit ancien dans nos cuisines et sur nos tables.

Mais le fait qu'il soit réapparu avec une certaine force sur le marché semble avoir suscité quelques achats impulsifs chez certain(e)s d'entre vous, qui se demandent aujourd'hui avec une pointe d'inquiétude "Que vais-je faire de mes coings ?"

inter

 

20081011 066 Coing

 

 

Pour répondre (partiellement) à cette question, l'occasion est toute trouvée de vous parler des pâtes de coing et du COTIGNAC D'ORLÉANS qu'Anne et moi – comme tant de gourmands initiés – adorons.

Le cotignac est une pâte de coing translucide et parfumée, moulée dans de petites boîtes rondes en bois très mince (elles font penser aux boîtes de camenbert). Ces pâtes très sucrées ont une couleur rosâtre produite naturellement par l'oxydation des fruits après séchage.

Tout d'abord, un petit mot sur l'origine du mot "cotignac" dont la consonnance pourrait nous faire penser qu'il est d'origine charentaise. Et bien non, désolé ! Même si Cotignac rime avec Cognac, cela n'a rien à voir. Cotignac, c'est le nom d'une petite commune du Var, pas très éloignée de Brignolles.

inter

 

 

 

Cotignac - village

Cotignac

 

En provençal, Cotignac se dit "Coudougnat", et coudougn (mot dérivé du latin cotoneus)  désignait dans cette même langue d'Oc … le Coing.

Le Coudougnat ou "raisiné au coing" faisait déjà la réputation de ce village provençal au Moyen-âge, qui l'a exporté très tôt dans plusieurs "pays" de France (Agenais, Gascogne, Orléanais …) et même en Italie (sous le nom de "Cotognato") ou dans les cantons francophones suisses (sous le nom de "Cougnarde").

Après une longue éclipse, la culture du coing veut retrouver progressivement sa place historique dans ce charmant village provençal. Dimanche prochain 26 octobre 2008 aura d'ailleurs lieu la 6ème édition de la fête du coing. Bien que nous ayons retenu cette date avec l'intention de participer à cette fête, des raisons familiales nous empêcheront d'y être présents cette année. Mais si vous en avez l'occasion et que la distance ne vous effraie pas, n'hésitez-pas à participer à ces réjouissances populaires à la gloire d'un fruit exceptionnel.

inter

 

 

Cotignac - Fête des coings

 

inter

En ce qui concerne le Cotignac d'orléans proprement dit, la tradition nous rapporte qu'au Moyen-âge, un génial confiseur de coings de Cotignac – sur l'identité duquel mes sources restent muettes – quitta son pays d'Oc pour rejoindre la ville royale d'Orléans, située sur les bords de la Loire, à plus de 800 km de là.

Inter

 

Orléans

Orléans

 

Le Coudougnat ou Cotignac était à ce point délicieux que les rois de France lui trouvèrent tout le raffinement requis pour en faire leur friandise préférée. Même l'austère et cauteleux roi Louis XI (1423-1483) ne put résister aux charmes de cette friandise, dont il fit d'ailleurs grand usage en les offrant comme présents aux ambassadeurs étrangers qu'il entendait gagner à sa politique.

François Ier (1494-1547), lui aussi apprécia le raffinement du cotignac d'Orléans, surtout lorsqu'il pouvait s'en délecter avec la reine Claude (1499-1524), son épouse, où avec l'une de ses innombrables maîtresses, parmi lesquelles émergent la douce et ravissante Françoise de Chateaubriant (vers 1495-1537), et la belle et savante Anne de Pisseleu (1508-1580), dite Mademoiselle d'Heilly avant de devenir – par la faveur royale – la très jalousée duchesse d'Étampes.

 

 

Who - Louis XI   Who - François Ier

                       Louis XI                                                        François Ier

 

 

La duchesse d'Étampes – que les gens bien en cour appelaient "la plus belle des sages, et la plus sage des belles" est restée célèbre pour ses galanteries. La faveur du roi ne pouvait suffire à combler ni ses sens, ni ses ambitions. Femme de la Renaissance, elle eut en même temps de nombreux amants. Marguerite de Navarre (1492-1549), soeur du roi, qui avait d'authentiques dons de plume, évoque dans son "Heptameron" la mésaventure d'un de ces amants, sans le nommer. Par recoupement, certains on voulu y reconnaître Charles de Cossé, comte de Brissac (1505-1563), donnant naissance à une légende.

 

Who - Étampes (Anne de Pisseleu, duchesse d')

Anne de Pisseleu, duchesse d'Étampes

   

 

Le roi, qui n'était pas sot, feignait d'ignorer les écarts de sa favorite, mais savait lui rappeler de temps à autre – et avec humour – qu'il n'était pas dupe, comme en témoigne cette anecdote.

 

Avisé des visites furtives que Brissac rendait depuis quelques temps à sa belle, François Ier pénétra un beau jour inopinément dans la chambre. En entendant le roi s'approcher, la duchesse d'Etampes – sans trop s'émouvoir – invita son amant affolé à se glisser rapidement sous le lit. Le roi s'adressa à la petite rouée comme si de rien n'était, lui offrant même avec élégance une petite boîte de … cotignac d'Orléans! Puis soudain, alors que les deux amants croyaient déjà que le plus chaud de l'alerte était passé, François Ier lança une seconde boîte de cotignac sous le lit, en lâchant avec un grand rire : "Tiens Brissac, il faut bien que tout le monde vive …"

La réputation du cotignac à contribué à la gloire gastronomique d'Orléans. Savez-vous qu'aujourd'hui encore – dans un France devenue républicaine – il est d'usage d'offrir un coffret de cotignac d'Orléans aux ambassadeurs étrangers ? C'est une tradition dans la diplomatie française.

Mais quelle est donc la recette de cette friandise royale qui soutient depuis des siècles la diplomatie de la France.

Je vous en communique la recette ci-après, non sans attirer votre attention sur le fait que le cotignac d'Orléans doit sa spécificité à une multitude de petits secrets de fabrication accumulés au fil des siècles, et qu'il est peu probable que vous puissiez jamais égaler la qualité exceptionnelle du cotignac produit par quelques rares confiseurs d'Orléans.

 

Recette du cotignac

 

 

Lavez les coings bien mûrs, puis coupez les fruits en deux dans le sens de la longueur. (Attention à votre couteau, la résistance du fruit est surprenante !)

Enlevez les pépins et enveloppez-les dans un nouet de mousseline.

Débitez les demi-fruits en quartiers, puis placez-les dans une casserolle contenant 10 cl d'eau par kilo de coings. Ajoutez le nouet contenant les pépins.

Faites cuire doucement les fruits jusqu'à ce qu'ils puissent être défait à la fourchette.

Prélevez le nouet et pressez-en le contenu.

Réduisez en purée la chair cuite des fruits. Pesez-la et ajoutez-y 800 gr de sucre par kilo de purée.

Mélangez en faisant réduire jusqu'à une consistance qui ne s'étale plus lorsque vous la versez sur un surface froide (traditionnellement, dans un anneau de bois placé sur une tablette en marbre).

Graissez la surface froide et étalez la purée de coing en une couche d'égale épaisseur. Laissez sécher 2 à 3 jours. 

Vous pourrez ensuite découper cette pâte en cubes réguliers que vous emroberez de sucre cristallisé.

 

 

Le coing, c'est bon pour la santé, non ? Alors …

 

 

José