J’enfonce une porte ouverte : l’hiver est là ! Avec le temps des derniers jours, vous devez vous en douter sans peine. Le gel, notamment, a déjà fait plusieurs fois son apparition dans les plaines brabançonnes.
Cette météo là, c’est l’idéal pour attraper la grippe ou pour … manger des choux ! Tant qu’à choisir, mangeons plutôt des choux ; cela nous évitera peut-être la grippe.
Un vieil adage d’arrière grand-mère me revient à l’esprit : « La gelée n’est bonne que pour les choux ». Certes, une telle affirmation ne doit pas être prise à la lettre; parmi les phénomènes naturels, le gel à bien d’autres fonctions positives. Mais cette sentence renferme une vérité que les jardiniers expérimentés connaissent bien :
Dès qu’ils ont affrontés les premières gelées, les choux d’hiver perdent leur amertume potentielle pour prendre une saveur plus douce et plus sucrée.
Faites l’expérience et constatez le agréablement vous même (… pour autant que les choux que vous avez acquis aient poussé en plein terre et en plein air. Pas évident du tout !). Bref, la saison est optimale pour manger du chou, un légume qui offre une impressionnate biodiversité.
Dans votre supermarché (le « super », dans ce cas, ce n’est que de l’autoproclamation commerciale sans contrepartie !), vous n’aurez le plus souvent que le choix entre « un » chou-rouge, « un » chou vert, « un » chou blanc, « un » chou-fleur dénudé de son feuillage protecteur trop encombrant, un tête de brocoli de 500 gr tout rond ( ?!) emballée sous sa pellicule plastique après traitement aux radiations ionisantes, et le petit filet de choux de Bruxelles. Cinq sortes de chou !?!
Un « super-choix » assurément, si l’on considère les centaines et les centaines de cultivars dont nous pourrions disposer pour notre alimentation. Tout au plus, votre supermarché, s’il veut se donner un peu de distinction, vous offrira un encore un petit élargissement de choix avec deux choux chinois, « un » Pak Choï (Brassica pekinensis Ruplecht) et « un » Pe Tsaï (Brassica chinensis Juslen), en versions hybrides "améliorées" cultivées le plus souvent en serres aux Pays-bas ou au Canada.
Chou Pak-choï
Cette assortiment de misère en regard de ce que la biodiversité peut nous offrir à au moins un avantage aux yeux de certains : aucun ver du chou (principalement, la chenille de la piéride), aucune "bestiole" n’a plus envie de mourir pour grignoter un petit bout de ces machins-là.
Pour les jardiniers "potagistes", il existe 6 grandes races de choux et un nombre impressionnant de cultivars, que les grosses filières traditionnelles de notre alimentation ne reflètent absolument pas.
1. Les choux pommés
Choux pommés
Les choux à pommes sont des plantes bisannuelles dont les cultivars se répartissent en :
– Chou cabus (Brassica oleracea var. capitata Linné) : Baccalan de Rennes, Baccalan de Saint-Brieuc, Brunswick, Louviers hâtif, Marché de Copenhague, Nantais hâtif, Pointu de Châteaurenard, Quintal d’Alsace, Vaugirard, Vertus … mais surtout, en cette saison, l’authentique et succulent chou de Noël.
– Chou de Milan (Brassica oleracea var. sabauda Linné) : Pontoise, Roi de l’Hiver, …
– Chou de Bruxelles (Brassica oleracea var. gemmifera De Candole) : Askol, Bangalor, Igor, India, Précoce de Fontenay, Roi Arthur, …
Curiosité : Il existe une variété anglaise de choux de Bruxelles, de couleur rouge violacé. Elle s’appelle « Rubine » ».
Petits choux de Bruxelles
2. Les choux feuillus non pommés (frisés ou non)
Délicieux en cuisine, les choux feuillus non pommés (Brassica oleracea acephala) sont méconnus parce qu’ils se prêtent mal au conditionnement et que leur conservation est trop brève chez le marchand. Ils ne sont pratiquement pas commercialisés.
Dans cette catégorie, citons le choux d’aigrette (frisé), le chou palmier (frisé), le formidable chou vivace de Daubenton (ou chou à mille têtes), le chou coréen Green Seoul, le chou japonais Mizuna et surtout le délectable crambé maritime, une variété botanique des régions côtières atlantiques aujourd'hui protégée. Si je n’en pouvais goûter qu’un seul, ce serait assurément ce dernier.
Chou d'aigrette
Chou japonais Mizuna
Chou vivace de Daubenton
3. Les choux-fleurs et brocolis
Ce sont les nombreuses variétés de choux dont ont ne mange pas le feuillage (encore qu’il puisse, s’il n’est pas traité, entrer dans les soupes et les pots-au-feu !), mais bien les inflorescences. Là encore, la plupart des gens n’imagine pas l’incroyable biodiversité qui existe … en dehors du commerce ! Les bourgeons floraux forment une pomme dont la couleur varie du blanc presque neige au violet, en passant par l’ivoire, le vert et le rose.
Parmi les variétés appréciées citons : l’Erfurt, l’Everest, le Flora Bianca, le Géant d’automne, le Jaudry, la Merveille de toutes les saisons, le Molène, le Samos, le Siria, le Taroke, le Viking … et tant d’autres encore. Le Brocoli, qui était presque absent sur les marchés français et belges il y a un quart de siècle, est devenu depuis un légume courant. Mais le marché privilégie seulement quelques variétés hybrides et non pas celles qui ont le plus de qualités gustatives : Calabrais, Minaret, Romanesco, Verflor, Violet, White Star … Impossible d’être exhaustif; le choix est trop grand !
Chou-fleur 'Merveille des 4 saisons"
Chou brocoli Romanesco
Chou-fleur vert
Chou brocoli d'Angers
4. Les choux-raves
Avec le chou-rave (Brassica oleracea var. gongylodes Lamarck), ce ne sont ni les feuilles, ni les inforescences que l’on mange, c’est la tige. Mais cette tige a la particularité de former un grand bulbe. Selon la variété, l’enflure de la tige peut peser de 100 gr (Blanc hâtif de Vienne, par ex.) à plus de … 15 kg (comme le Superschmelz) ! Beaucoup de choux-raves sont verts, certains violets (Azur Star, Blaro, Violet de Vienne …)
Chou-rave Wener blanc
5. Les choux-navets
Rutabaga
Le célébre et injustement déprécié rutabaga consommé en période de disette, notamment durant la première et la deuxième guerre mondiale, est le représentant le plus notoire des choux-navets (Brassica napus var. napobrassica).
Ceux-ci, fort cultivés et consommés en Scandinavie, sont aussi désignés « choux de Suède ». Ce ne sont ni les feuilles, ni les fleurs, ni la tige que nous mangeons, mais bien la grosse racine conique et allongée.
La chair du chou-navet proprement dit est blanche ; celle du rutabaga est d’une belle couleur jaune.
Si l’expérience potagère vous tente, choisissez plutôt les blancs d’Aubigny (deux variétés : l’une à collet vert, et l’autre à collet rouge), ou le rutabaga de Pontivy.
Un chou-navet bien cultivé et récolté à temps est une délice, que plusieurs grands restaurateurs remettent au goût du jour et servent comme un produit de luxe sur des plateaux d’argent. On est loin aujourd’hui de la qualité semi-fourragère qui a fait sa mauvaise réputation en période de disette et le réservait à une consommation populaire de survie.